Textes de Jean-Luc Raharimanana
Pluie.
"Je suis fatigué. Je suis en retard. Mais heureusement qu’il commence à pleuvoir. Je cours. Dit-elle la terre qu’elle est basse qui ne refuse pas d’être piétinée.Disent-elles les flaques qu’elles sont basses qui ne refusent pas d’être boueuses, souvent indiscernables miroirs où le ciel à l’envers rumine d’être pris au piège. Les gouttes lavent-elles ou creusent-elles dans la saleté ? Je cours. Je suis en retard. Heureusement qu’il pleut et que ça m’oblige de me presser. Je suis fatigué".
L’enfant.
"Je suis étonné du sourire de cet enfant, on dirait le mien que je ne retrouve plus."
Retour.
"Qu’est-ce que je vais faire de ce pays ? Ils sentent que je reviens. Ils sentent que je n’arrive pas à comprendre tous ces billets. S’il faut payer en francs ou en ariary. Je n’ose pas traverser la rue alors que je dois vraiment aller sur l’autre trottoir en face – aucune voiture ne s’arrête et il faut enjamber les trous et les flaques d’eau, éviter le chien qui arrive en face et ne pas atterrir près du vieux assis par terre, tu ne sais pas s’il vend les paires de chaussures devant lui ou si on vient de les lui offrir, ou si son type de mendicité, c’est de demander des chaussures, et comment faire pour passer devant lui sans dire azafady tompoko ? Merde et shit ! Je ne traverse pas ! Merde ! je veux rentrer en France mais j’ai pas envie ! Merde !"
Couleurs
"Il me faut rendre ces couleurs que le papillon a posées dans mes mains. Dans mes yeux. Dans ma bouche. Ferme tes mains sur moi. M’avait-il dit. Le papillon. Doucement. Ferme. Et les yeux aussi. Et la bouche aussi. Et ouvre ton cœur. Et pense fortement aux fleurs et à l’arc-en-ciel. M’avait-il dit. Le papillon. Doucement. Et aux brumes sur lesquels tu pourras tout écrire. Et tout préserver dans l’éphémère évaporation. Sur le vent qui fera voyager le fil de lin, le fil de soie. Tes mains sont pleines de couleurs. Tes yeux. Ta bouche. M’avait-il dit. Le papillon. J’ouvre. Les mains. Les yeux. La bouche. Le cœur".
......
Jean-Luc Raharimanana.